Chaque année ça me titille… Dès que je vois fleurir les communiqués de presse et produits assortis de leur joli ruban rose, j’ai envie d’ouvrir ma grande bouche au sujet d‘Octobre Rose. Seulement j’ai beau avoir écrit cet article il y a deux ans, je n’ai jamais osé le publier… La peur d’être mal comprise ou d’être anti-constructive dans ma démarche ?
Mais cette année, je n’en peux plus.
Comment peut on continuer à croire faire une bonne oeuvre quant on est invité … à dévorer  un hamburger rose pour aider la recherche contre le cancer !
Seriously?
(source)
Et puis j’ai l’impression que je ne suis plus la seule à émettre des doutes vis à vis de la campagne. J’en veux pour preuve ce très chouette article et son infographie publié chez NEON Mag par Klaire fait Grrr
Donc cette année, j’y vais…
Octobre Rose c’est quoi ?
Octobre Rose c’est le mois dédié à la prévention contre le cancer du sein. C’est un mois empli d’opérations de sensibilisation et de mise en avant de la recherche. Un mois où tout est fait pour que l’on parle du cancer du sein et qu’on récolte un maximum de fonds pour la recherche.
Dans l’idée, octobre rose c’est truc chouette, surtout quand on pense que cette gigantesque opération de sensibilisation est née de la volonté farouche d’une femme qui a remué ciel et terre pour faire bouger les choses.
Car même si un nombre invraisemblable de facteurs individuels ont concouru à la naissance d’Octobre Rose, c’est bien Evelyn Lauder (vice présidente d’Estée Lauder) qui a donné l’élan fondamental à la naissance du Ruban Rose qui devient par la suite Octobre Rose. D’ailleurs Wikipedia raconte l’histoire beaucoup mieux que moi à travers l’article sur le Ruban Rose.
En mobilisant l’industrie cosmétique américaine autour de ce mois de sensibilisation national, et en utilisant le Ruban Rose comme signe de ralliement, Evelyn Lauder a fait exploser l’information et le mouvement caritatif qui lui est propre.
De fait, si Octobre Rose est avant tout un mois de sensibilisation animé par les grands organismes s’occupant du cancer du sein (public ET privé), c’est aussi la grande kermesse des marques cosmétiques souhaitant s’impliquer dans une juste cause !
Et depuis 2010, les autres industries se sont mises à suivre. Les marques américaines en ont d’ailleurs fait un sacerdoce.
Pourquoi critiquer Octobre Rose, et ne pas céder aux produits estampillés Octobre Rose ?
J’espère qu’il est clair pour tous que je soutiens l’opération Ruban Rose et sa déclinaison Octobre Rose. Je les soutiens en tant que campagne de sensibilisation au dépistage et à la recherche curative.
Par contre je suis absolument remontée contre les dérives mercantiles qui se greffent à ces deux mouvements. Car dès lors qu’Octobre Rose a bien pris, on a vu poindre des dérives qui me semblent désormais plus nombreuses que les engagements réels et justes.
Or je ne vous parle pas des dérives farfelues qui vous proposent d’acheter une énième édition limitée cosmétique, un hamburger rose, des chaussettes à ruban, du vernis rose, du papier toilette à ruban ou encore des bonbons estampillés ruban rose. On n’arrête décidément pas le marketing produit et si cela fait vendre et apporte fonds et visibilité à la recherche, pourquoi pas ?
Ce qui m’ulcère, ce sont les “allégations” d’aide à la recherche quand on ne cherche qu’à faire du fric.
Et croyez moi, la limite entre les deux est souvent faible !
Mais pour ça, je dois vous expliquer où se niche le problème.
Petite explication du “business Octobre Rose”
Quand vous achetez un produit, son prix se compose de plusieurs éléments :
- Le coût de revient :
Combien a coûté le produit lors de sa conception/production/livraison sur le lieu de vente
+ frais annexes inhérents à l’entreprise en elle-même (ce qu’on appellera les charges) - Le bénéfice :
La différence qu’il y a entre le coût de vente et le coût de revient. En gros : combien je “marge” sur mon produit.
Comprenez bien que le bénéfice n’est pas le même chez un fabricant ou chez un distributeur.
Prenons l’exemple d’un savon qui a couté au fabricant 2euros à produire.
Celui-ci le vendra 3euros à une parfumerie de quartier qui l’affichera en magasin à 7,50euros (dont 2,5 de frais pour le loyer, les salaires, les charges, … et 2euros de bénéfice).
Vous me suivez là ?
ok.
Maintenant je vous explique le problème :
Quand vous achetez un produit “octobre rose” regardez pourquoi celui-ci est estampillé Octobre Rose :
- Dans certains cas vous noterez que les bénéfices de la vente iront à la recherche contre le cancer.
Là , c’est bien, on est dans l’idée.
J’approuve, même si on ne sait pas s’il s’agit des bénéfices du fabricant, du distributeur ou les deux.Â
- Dans d’autres cas il est noté qu’une partie de la vente du produit ira à la recherche contre le cancer.
Ok, mais c’est quoi une partie ? 50%, 20% 5% ?  Et ça veut dire que la marque va y mettre de sa poche peut être ?
–> Dans les faits ça existe, hein ! Il y a des marques qui doublent la part que vous versez au titre du “plus vous vous engagez, plus on s’engage“. Mais au global l’argument “bonne cause” est extrêmement vague et laisse assez de place pour truquer complètement les comptes.
- Dernier cas de figure : il est parfois noté qu’une partie du bénéfice ira à la recherche contre le cancer.
Souvent ils annoncent un pourcentage 50% ou 20% (pour ce que j’ai pu noter).
Or réfléchissez :
Dans le cas de mon savon payé 7,50euros,  ça veut dire que mon achat offre 0,50euros à la recherche (bénéfice du distributeur) ou 0,25euros (bénéfice du fabricant) !
À ce prix là  filez plutôt une pièce de 1euros au prochain SDF que vous croiserez dans la rue, non ?Â
Vous voyez ce que je veux dire ?
Derrière ces arguments du “faites vous plaisir pour une bonne cause” il y a énormément de piège à gogo !
Conclusion :
Je suis à 200% pour la mise en vente de produits “excuse” qui permettent de céder à de l’achat impulsif en versant une partie des sommes à quelque chose de juste. Mais pas à n’importe quel prix !
Il FAUT que chacun soit conscient de ce qui se joue réellement au moment de l’achat.
Et pour ça, c’est TRES simple :
– Si vous voulez donner pour la recherche : faites un VRAI don !
– Si vous voulez craquez pour un achat utile à quelque chose : vérifiez quel montant de votre achat sera vraiment reversé (et par qui)
Je ne dis pas que les éditions limitées Octobre Rose ont pour seul but de verser de l’argent à la recherche. La sensibilisation au dépistage est une vraie priorité. Mais si je puis me permettre : les actions sportives, les campagnes de com’ et les campagnes de dépistages chez vos médecins font tout autant le job.
Et y a rien d’autre à dénoncer ?
Derrière les dérives mercantiles d’Octobre Rose, d’autres critiquent aussi le “Pinkwashing” : le fait que ces démarches contre le cancer du sein viennent de firmes cosmétiques qui mettent sur le marché des produits soupçonnés d’être cancérigènes.
Personnellement je ne me prononcerai pas sur ce sujet.
Le cancer du sein représente à lui seul plus de 30% des cancers féminins et il souffre toujours d’un dépistage tardif. Alors qu’importe qui sensibilise, tant que cela est “vrai” et que le message est encadré par des autorités  compétentes.
Pour les curieuses, voici quelques articles traitant du sujet :
- Avec le Pinkwashing, le cancer du sein devient un produit comme un autre – Sur Slate
- Connaissez-vous le pinkwashing ?
- Octobre Rose 2015, ta générosité = leur pub
Et si vous voulez chercher plus loin, on peut aussi parler du marché de promotion du ruban rose !
Mais là je vous inviterai à aller voir la page Facebook “Pinkwashing Hall of Shame”
Photos issues du site Pinkwashing Hall of Shame